Perceptions du paysage urbain de la base de loisirs de Créteil

Etude par photo-questionnaires - Par Pauline DILAS - (Mémoire présenté dans le cadre du Master 2 Géographie, Interface Nature-Société, Université Lumière Lyon 2, Année 2011-2012)
vendredi 22 janvier 2016
par  Michel du Collectif du lac de Créteil, Pauline DILAS
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Perceptions du paysage urbain de la base de loisirs de Créteil - Etude par photo-questionnaires
Perceptions du paysage urbain de la base de loisirs de Créteil - Etude par photo-questionnaires
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Par Pauline DILAS
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EXTRAITS

INTRODUCTION

La notion de paysage est ancienne mais subit de nos jours un renouvellement par la prise en compte de la croissance urbaine, comme c’est le cas en région Ile-de-France, avec une évolution de la population de près de 38,5 % entre 1962 et 2009 pour arriver à plus de 11 millions d’habitants (IAURIF, 1999 ; INSEE).
Depuis 1853, en France, les hommes ont développés des politiques de protection pour préserver les espaces de nature dites sauvage sur le territoire avec la première réserve artistique en forêt de Fontainebleau puis, notamment en 1960 soit près d’un siècle plus tard, la loi de création des Parcs nationaux (Tricaud, 2010). Mais, la croissance du milieu urbain (avec 85% de la population française vivant en aire urbaine en 2008 contre seulement 25% en 1952, selon l’INSEE) a éloigné les hommes de la nature, tant au niveau de la matérialité que de l’utilité. Les oppositions entre ville et campagne ne seront pas abordées dans cette étude dans la mesure où le contexte choisi est celui d’un milieu urbain dense en région Ile-de- France. De nombreuses études ont été menées sur les espaces de nature en Ile-de-France et ont démontré que la demande de nature en milieu urbain est de plus en plus forte (Fleury et Donadieu, 1997 ; Luginbuhl, 2001 ; IAU, 2011). Il ne s’agit pas ici de déterminer quel type de nature est recherchée par les habitants puisque le sujet ne porte que sur un seul terrain, la base de loisirs de Créteil, mais davantage de savoir quels sont les éléments du paysage qui favorisent le sentiment de beauté et d’attachement au paysage. Aussi, l’approche sélectionnée dans cette étude ne concerne pas directement la nature en ville, même si les questions liées à cette dernière sont sous-jacentes, mais repose sur la notion de paysage. Cette notion souvent considérée en association avec le milieu rural pose alors le problème de la pertinence de son utilisation dans un contexte urbain.
Le paysage ne peut se réduire à une dimension matérielle, il est le fruit d’une construction naturelle et humaine. Il est défini par le Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés comme étant un « agencement matériel d’espace – naturel et social – en tant qu’il est appréhendé visuellement, de manière horizontale ou oblique, par un observateur. [C’est une] représentation située, le paysage articule plusieurs plans, permettant l’identification des objets contenus et comprend une dimension esthétique » (Lévy et Lussault, 2003). La construction humaine du paysage, outre sa matérialité, peut – être abordée comme une représentation, issue avant tout du regard. Des auteurs tels que Georges Bertrand (Bertrand, 2002) et Serge Ormaux (Université de Besançon, 2004) ont des approches différentes, mais ont choisis tous deux d’aborder le paysage comme un système où l’homme n’est qu’un composant parmi d’autres. Considérer le paysage comme un système ne permet pas de prendre en compte l’émergence et le développement d’une vision particulière de l’homme sur son environnement. Paysager n’est pas que construire la matérialité du paysage, c’est également le concevoir, le percevoir, et cette étude a choisi de se rattacher à cette dimension, c’est-à-dire à la construction du paysage par la perception humaine. Les perceptions du paysage sont souvent associées à des éléments naturels tels que la végétation, l’eau, et les minéraux, appartenant à la dimension sacrée de la nature (Eliade, 1959). Au fil du temps, ils ont participé à l’instauration du paysage comme la présentation de la nature au regard humain. C’est pourquoi mettre en relation paysage et nature est essentiel, puisque l’un et l’autre sont associés de façon récurrente dans les représentations humaines. Plus précisément, le paysage est considéré comme étant composé de nature, tandis que la nature n’a pas besoin d’être paysagée pour exister, tout du moins dans nos représentations. La nature est ici considérée comme l’association des éléments minéraux, végétaux et aquatiques, pouvant être modifiés et agencés par la main de l’homme. Les minéraux sont considérés comme la somme des éléments naturels et anthropiques que peuvent représenter les roches, les pierres, le béton et, de façons plus importantes, les immeubles et toutes les constructions minérales issues de la main de l’homme. Dans cette étude, nous proposons de travailler sur un paysage particulier que l’on nomme « paysage urbain ». Certains estiment que ce nom est incohérent au vu de la contradiction entre paysage (associé à la nature) et urbain (associé à l’artificiel) (Luginbuhl, 1989 ; Michel, 2007) alors que d’autre, tel que Anne Cauquelin (Cauquelin, 1989) estime que le paysage urbain « est plus nettement paysage que le paysage agreste et naturel… sa construction est plus marquée, plus constante, plus contraignante encore ». De manière générale, le paysage urbain représente un élargissement dans l’approche paysagère puisqu’il intègre la dimension essentielle de notre siècle : l’urbain. Avec plus de 50% de la population mondiale (Banque mondiale, 2010), le nombre de citadins ne cesse de croître et la prise en compte du paysage urbain devient un enjeu pour le développement de ces territoires et le bien-être des habitants.
Le choix de porter ce travail sur la notion de paysage c’est effectué à travers la volonté de ne pas garder comme objet d’étude un milieu naturel. Le paysage offre la possibilité d’une prise en compte globale d’un espace, sans se limiter à l’étude de sa naturalité. Au départ de la réflexion sur le sujet, il était question de prendre en compte la nature en milieu urbain comme facteur d’esthétisme. Cependant, les informations recueillies ont permis de faire évoluer le sujet sur une prise en compte plus globale, intégrant à la fois le site « naturel » de la base de loisirs et le site urbain se trouvant à proximité immédiate. La question que soulève l’association de ces sites est de savoir si l’urbain, très souvent présentée comme contraire à la nature et source de dégradation du milieu naturel, peut néanmoins participer au sentiment de beauté de la part des habitants. Pour cela divers outils ont été mobilisés, de l’entretien semi-directif aux photo-questionnaires, auprès de groupes d’acteurs différents : gestionnaires / habitants. Des études ont démontré que les perceptions des actions des gestionnaires peuvent être en opposition avec celles des habitants et utilisateurs des lieux, notamment en matière de restauration des milieux naturels (Gobster et Hull, 2000). Est-ce que cette opposition se confirme dans le cas de la base de loisirs de Créteil ? Si oui, sur quoi repose-t-elle ? Les usages prévus lors de la création du site de la base de loisirs correspondent-ils aux pratiques effectives actuelles ?
Ainsi, l’approche paysagère choisie est avant tout liée à l’esthétique et aux représentations, dans un contexte global sur l’opérationnalité de la notion de paysage dans les actions de gestions d’espaces de nature en milieu urbain, et ce à partir de l’exemple du lac de Créteil. Ce lac fait partie de la base de loisirs régionale de Créteil. Cette dernière est gérée par un syndicat mixte où siègent des élus de la Région Ile-de-France, des élus du département du Val-de-Marne, et enfin, des élus de la ville de Créteil. Son président est un élu de la ville de Créteil siégeant au syndicat mixte et élu président par les membres de ce syndicat.
Les bases de loisirs d’Ile-de-France ont commencé à être implantées dans les années 1970, à partir de la mise en place du Schéma Directeur d’Aménagement et d’Urbanisme de la région Parisienne (SDAURP). Le SDAURP a été créé en 1965, en avançant la nécessité de garder l’équilibre entre expansion des infrastructures habitables et qualité de vie, en déclarant que « La décennie qui vient de s’écouler a permis de mieux mesurer l’importance de ce bien rare qu’est devenu l’espace. L’espace, cadre organique, au sein duquel se développent les grands équilibres écologiques indispensables à la vie. L’espace, cadre végétal, au sein duquel les citadins peuvent satisfaire ce besoin, essentiel, qu’est le contact avec la nature […] Les espaces ouverts à l’urbanisation, en particulier dans les villes nouvelles, l’ont, en effet, été de manière maintenir les zones interstitielles agricoles et les espaces verts, ce qui permet maintenant la mise au point d’une véritable politique des zones naturelles d’équilibre » (SDAURP, 1965). On trouve actuellement onze bases de loisirs sur le territoire francilien, et, une étude de fréquentation et de satisfaction des usagers de toutes ces bases a été réalisée de septembre 2008 à août 2009, par l’institut MICA Research en collaboration avec la Région Ile-de-France (Mica Research et Région Ile-de-France, 2010a). Les informations recueillies indiquent que les bases de loisirs sont fréquentées majoritairement en haute saison (été) et en semaine. De plus, ces bases attirent une population venant principalement (60%) du même département que celui où la base est implantée, et 95% des personnes fréquentant les bases de loisirs d’Ile-de-France viennent directement de cette région. Construites dans l’idée de créer des espaces de proximité à la portée des citadins, il semble que le pari soit gagné dans la majorité des ces bases de loisirs. Cependant, le moyen et le temps de transport est en moyenne compris entre 10 et 59 minutes, la voiture étant le moyen de transport le plus utilisé. Ainsi, ces espaces de proximité ont obtenu une zone de chalandise assez large, mais qu’en est-il des espaces de proximité immédiats ? Il est difficile de répondre à cette question en prenant en compte toutes les bases puisqu’elles ne se situent pas dans des secteurs identiques. Pour le cas de la base de loisirs de Créteil, seule base d’Ile-de-France en milieu urbain dense en contact direct avec la ville, la fréquentation de la base se rapproche des résultats obtenus au niveau global à savoir, une fréquentation majoritairement la semaine et des individus venant, pour 82% du total, du département du Val-de-Marne dont Créteil est le chef-lieu. En revanche, les temps de parcours sont beaucoup moins variables avec une tranche de 5 à 30 minutes. Par ailleurs, plus de 90% des usagers interrogés s’étaient rendu à pieds à la base de loisirs alors que la voiture apparaît comme le moyen de transport privilégié des autres bases. Cela peut s’expliquer par la facilité d’accès en transports en communs et piétonnier de la base de Créteil du fait de son contact direct avec le milieu urbain.
L’intérêt d’étudier cette base de loisirs tient à sa situation en milieu urbain et à son histoire. C’est véritablement la seule base de loisirs d’Ile-de-France où l’on peut se vanter d’habiter à moins de cinq minutes à pieds. Issue d’un ancien site d’extraction de sable, elle a été créée à partir des résurgences de la Marne et d’aménagements dans une partie de la ville considérée à l’époque (1950-1960) comme un « no man’s land » pour de nombreux habitants. Depuis la construction de cette base de loisirs, la ville de Créteil a également connu un essor considérable avec un doublement de sa population. Aujourd’hui, la ville arrive aux bords du lac de la base de loisirs, ce qui offre un panorama exceptionnel pour une ville francilienne située à moins de 15 km de Paris. Une étude menée en 2011 fournie des informations sur l’attachement des cristoliens (habitants de Créteil) à ce lieu, faisant ressortir qu’il est perçu comme « un poumon vert pour les habitants de la ville », « une reconversion urbaine réussie » et « un espace de loisirs à conserver et protéger » (Dilas, 2011) et l’Image 1, en première page est une représentation du lac réalisée par Françoise Venet, habitante de Créteil depuis les années 1980.
Afin d’étudier la question de l’esthétique du paysage en milieu urbain, le média photographique a été utilisé. Le choix c’est porté sur la photographie à partir de préférences personnelles et de lectures de nombreuses études sur le sujet. Mais dans quelle mesure la photographie est-elle à même de rendre compte de l’esthétique du paysage ? Quelles sont les limites et les avantages de l’utilisation de cette méthode dans les études de perceptions paysagères ? Ces question ont été traitées dans des travaux récents (Y. F. Le Lay, 2007 ; Cottet, 2010) mais pourront être complétée car le contexte urbain dans lequel est réalisé ce mémoire est relativement innovant.
Ainsi, il s’agit de déterminer quels sont les éléments du paysage qui influencent le jugement esthétique des acteurs, dans un milieu urbain dense ouvert sur un espace de loisirs. Seule véritable base de loisirs en milieu urbain très dense et totalement ouverte en Ile-de- France, elle se trouve en contact direct avec la ville et ses habitants.
« Ces bases de loisirs, parfois composées avec beaucoup d’intelligence, constituent un élément important du cortège des espaces publics émergents » (Delbaere, 2010) et sont d’une importance capitale dans le cadre du renouvellement du milieu urbain, où l’espace de nature doit être revalorisé. L’enjeu sociétal de cette étude repose sur l’étude des perceptions des gestionnaires et habitants, avec l’utilisation du photo-questionnaire comme outil principal de prise en compte de la dimension esthétique et affective du lieu. Cette enquête a permis de mettre en avant les éléments du paysage pouvant favoriser une meilleure perception esthétique et pourra donc participer de la mise en place de nouvelles actions en faveur du paysage. L’enjeu scientifique est de tester l’utilisation des photo-questionnaires en milieu urbain. En effet, très mobilisé dans le cadre des études paysagères en milieu rural, il est bien moins sollicité en milieu urbain.
La problématique générale repose sur la question suivante : Comment le paysage du lac de Créteil est-il perçu, de façon esthétique, par les différents acteurs, et quels sont les éléments paysagers structurant ces perceptions ?
La première partie de ce travail est consacrée à l’explicitation des notions et à la présentation du terrain d’étude. La seconde partie permet de faire un point sur la méthodologie utilisée, ainsi que sur les principaux objectifs et les hypothèses de l’étude. Celles-ci seront, dans la troisième partie, remobilisées à travers la présentation des résultats et leurs analyses afin de répondre à la problématique.
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