Partout, les villes se sont développées au détriment de la nature et le plus souvent en s’y opposant, mais deux phénomènes nouveaux sont intervenus depuis le XXe siècle.
D’une part, l’extension des villes, qui peuvent s’étaler sur des centaines de
milliers d’hectares, perturbe ou anéantit des écosystèmes entiers, dont elles dépendent en partie. Notons à cet égard la question de l’échelle : le vivant est déterminé par la chimie du sol à l’échelle métrique et par la géologie à l’échelle kilométrique. Or, cette même échelle est aussi celle de la ville.
D’autre part, une partie croissante de la population vit en ville et aspire à avoir plus de contacts avec la nature. Selon les estimations des Nations Unies, la population urbaine devrait représenter 2/3 de la population mondiale d’ici à 2030.
A travers le monde, ces deux phénomènes conduisent les aménageurs à intégrer la biodiversité dans la ville pour des raisons écologiques – préserver les écosystèmes et les services qu’ils rendent – et pour répondre à la demande sociale. Ecoquartiers, cités-jardins, villes vertes… quels que soient leurs noms, ils dessinent des espaces qui sont à la fois de nouveaux paysages urbains et de nouveaux écosystèmes.
Construire sans nuire à la biodiversité ou en la favorisant : telle est la définition d’un urbanisme à biodiversité positive. La ville de demain, pour être durable, devra probablement suivre ce modèle. Observons que cette démarche est réaliste et que rien dans l’acte de construire, du moins dans un espace déjà urbanisé, n’exige d’être indifférent à la biodiversité ni de la détruire.
Mais, parmi les nombreux modèles possibles, on peut parier que ceux qui s’imposeront seront ceux qui répondront le mieux à la demande des habitants et s’intégreront à l’économie urbaine. Sur cet enjeu, à l’intersection des préoccupations sociales et naturalistes, un concept semble s’imposer, du moins au niveau européen : l’infrastructure verte, c’est à-dire un ensemble d’espaces non bâtis, intégrés à la ville, dédiés aux circulations non motorisées et à la nature. Une nature de plus en plus vue au travers du prisme de la biodiversité, mais pour laquelle la question de la représentation sociale, actuellement en pleine évolution, est déterminante, comme l’explique Nathalie Blanc (cf. Tribune p.4). Cependant, comment l’intégrer à l’économie de la cité ?
Peut-elle être un élément différenciant pour une ville, un quartier ou un immeuble par la qualité de son offre ?
Et comment la valeur ainsi créée peut-elle rémunérer ceux qui en ont supporté les coûts ?
Le cinquième numéro de Biodiv’2050 aborde ces questions en présentant des expérimentations, des études et des réalisations conduites à travers le monde. Il met en lumière un mouvement général, prenant des formes très variées, qui tend à inventer ce qui sera à la fois un nouveau paysage et un nouvel écosystème, une ville renaturée ou une nature urbanisée, où vivront demain les deux tiers de l’humanité. La construction de
cet écosystème/paysage ne pourra éviter la question de sa contribution à l’économie de la ville et à la création de valeur.
LAURENT PIERMONT
Directeur de la
Mission Economie de la Biodiversité
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