Le « cantonnier » du lac
Déambulant autour du lac je me suis souvenu d’un article du journal local sur le nettoyage du lac Léman ; il y a un grand nettoyage annuel et plus de 200 plongeurs y participent. Il n’empêche que sur le lac de Créteil le nettoyage est effectué, tout le long de l’année, par un agent du service de la voirie. Justement je rencontre Karim qui en est chargé. Comme beaucoup de monde, je le connais bien et je me permets de lui prendre un peu de temps afin qu’il m’explique son travail.
Lm - Explique-moi Karim ce que tu fais exactement.
Karim - Je commence bien entendu par une tournée d’inspection le long des berges.
Lm - à voir ce que l’on peut trouver sur le sol en bordure je suppose que tu es amené à ramasser dans l’eau beaucoup de sacs et de bouteilles plastiques.
Karim - C’est vrai je ramasse ce qu’on appelle des flottants. Et je ne compte pas les bouteilles de verre vides, les canettes de bière. Je collecte aussi les roseaux, les feuilles mortes et les multiples déchets que le vent apporte sur les bords du lac.
Lm - J’ai vu hier un velib’ qui avait été jeté dans le lac. Je vois dans la benne de ton véhicule que tu viens de le retirer.
Karim - On n’imagine pas ce que je peux récolter. Oui des vélos ! Mais aussi des caddies, des motos, même une table près des restaurants sur le port. A cet endroit on retrouve des amas de restes de pain dont on se débarrasse sans remords.
Quand le lac est clair, je peux apercevoir des objets plongés au fond ; l’autre jour j’ai même trouvé un coffre-fort. Pas facile de le remonter ! Il arrive que des promeneurs m’aident à retirer de l’eau des objets lorsqu’ils sont très lourds.
Lm - Le véhicule mis à ta disposition est- il suffisant pour transporter tout ce que tu ramasses ?
Karim - Oui, il est très pratique et maniable. Le service des parcs et jardins me prête un tracteur par temps humide, pour ne pas embourber mon véhicule à certains endroits. L’école de voile me prête aussi un bateau pour aller récupérer les résidus trop éloignés de la rive.
Enfin je suis amené à récupérer des animaux morts ; tout récemment il s’agissait d’un gros silure risquant d’attirer les rats. Je découvre aussi des animaux blessés ; alors j’alerte le service de l’hygiène qui vient les chercher pour les soigner.
Lm - Il y a un endroit qui n’est pas très engageant, l’exutoire des eaux pluviales venant du Mont Mesly et l’équipement ne paraît pas facile à nettoyer.
Karim - C’est vrai et il est très abimé. En plus la surélévation des eaux du lac empêche de procéder à un décapage correct.
Lm - Cela ne me paraît pas étonnant vu les pluies fortes qui sont tombées durant une longue période. La promenade le long de la préfecture par exemple était fermée et les passerelles du côté de la base de loisirs étaient submergées.
Karim - D’accord sur le mauvais temps, mais il y a des vannes prévues pour la déverse des eaux du lac ; elles sont bloquées.
Lm - Cette situation me fait penser au barrage de régulation des eaux du Léman à Genève, au bout du lac, lorsque le Rhône reprend son cours. Les vannes sont actionnées pour abaisser le niveau des eaux ce qui permet de mieux nettoyer les rives. Pourquoi ici sont- elles bloquées ?
Karim - Je ne sais pas. En tout cas elles ne dépendent pas de la ville mais du département ; il faudrait poser la question à des responsables du conseil général
Lm - Me permets tu une critique ? Les résultats de ton travail que tu fais du côté ville ne se retrouvent pas du côté de la base de loisirs.
Karim - Evidemment. Je travaille au service de la voirie de la ville et mon intervention se limite normalement entre la place Jean Gabin et le quartier de la Source sous les chutes du canal. Le reste appartient à la région. Côté base de loisirs lorsque je le constate ou lorsqu’on me signale par exemple des caddies jetés dans le lac, je me déplace quand même pour les enlever.
Autrement mon « boulot » c’est aussi d’intervenir sur le canal, sur l’écluse de la Marne et sur les grilles de la place de l’Hôtel de ville et celle des Abymes. J’ai pris des photos sur l’état où celles-ci peuvent se trouver.
Lm - Incroyable ! Tous ces mégots de cigarettes et ces papiers ! Les gens prennent les grilles pour des poubelles ! Et quand je vois ce que l’on peut trouver dans le canal !
Karim - L’autre jour j’y ai même trouvé un gros tas d’os.
Lm - Finalement ta profession n’est pas très courante ; en la définissant cela pourrait être celle de cantonnier, à l’image des agents communaux chargés autrefois de l’entretien des routes. Au niveau du service de la propreté de la ville, il me semble qu’on a institué des cantonniers affectés à des secteurs. Ici tu es chargé de nettoyer les berges du lac. Entre nous, pourquoi ne pas qualifier ta profession de cantonnier du lac ? Je retiens qu’il y a de l’entraide dans ton travail, celle de tes collègues des parcs et jardins, de l’école de voile et parfois celle des passants qui ne doit pas cependant masquer le manque d’incivilité, hélas, d’un trop grand nombre de personnes.Je retire aussi ta part de bonne volonté lorsqu’il s’agit par exemple d’intervenir du côté de la base de loisirs. Sur le coup je trouve curieux que tu ne sois pas chargé de tout le tour du lac.
Karim - Oui, mais il faudrait revoir l’étendue de mon travail.
Lm - J’allais prévenir ta réponse ; cela aurait évidemment des incidences sur l’organisation au sein du service auquel tu appartiens. De plus il resterait à définir les relations avec la région propriétaire de la base de loisirs.
En tout cas merci Karim d’avoir consacré une partie de ton temps à me fournir toutes ces explications.
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